mercredi 28 mars 2012

Echec, et maths ?

Me voilà devant un problème absolument paradigmatique de l'adolescent de type masculin (mais c'est valable aussi pour les filles).

Je dispose d'un ado en parfait état de fonctionnement et pas trop stupide. Il est en première S et ne fiche rien. Il a un avertissement de travail. L'année dernière, il n'était pas dans le système scolaire français.

Dire qu'il ne fiche rien est un peu abusif : il travaille un peu, fait quelques exercices de maths ou d'autres choses, condescend à quelques travaux littéraires (fiche de français ou d'histoire, plans, lectures), mais tout ceci n'est effectué que pour que nos relations ne se dégradent pas trop, et non dans le souci d'apprendre une leçon en vue d'un contrôle, attitude qu'il se refuse superbement à avoir depuis le début de sa scolarité. Soit la leçon est sue, se présentant d'elle même à son esprit, soit elle est rétive à se faire apprendre, mais en aucun cas il ne se livre aux opérations triviales consistant à apprendre, faire des exercices, se réciter la leçon, ou autres méthodes de pauvres imbéciles désireux d'avoir de bonnes notes.

Je sors du bureau du proviseur, qui m'a dit, très amusé : Ah ! Oui. Je l'ai reçu dans mon bureau, je lui ai parlé, et je me suis dit : il se fiche complètement de ce que je suis en train de lui dire.
- Il a été courtois ? me suis-je enquis (on ne sait jamais).
Il m'a rassuré :
- Très courtois, il a été charmant.

Eh bien voilà.

- Tout glisse sur lui, ai-je dit.
- Oui, visiblement, a compati le proviseur. Il aura peut-être son bac, vous savez ?
- Vous croyez ? Avec ses résultats ?
- Oh, oui, les garçons, c'est comme ça.
- Vous êtes sûr ?
- Attendez, que je ne vous dise pas de bêtises.
Il a compulsé les résultats.
- Ah, oui. C'est vraiment très bas.
- Oui, je crois aussi.
- Il y aura peut-être un effort au troisième trimestre. De toute façon, sachez que de la première à la terminale, la décision vous appartient. On proposera le redoublement s'il ne fait pas d'effort, mais la décision de passage vous appartient.
- S'il ne fait pas d'effort, c'est du foutage de gueule. Il faut qu'il redouble.
Je crois qu'il y avait un éclair malicieux dans ses yeux quand il m'a dit :
-En effet... De toute façon, tout dépend du troisième trimestre.

Nous en sommes donc là.

Mon exaspération est totale. Le cas est tellement classique que... que. On est devant un élève à lacunes, accumulées lentement années après années, mais sans rien d'irrécupérable non plus. C'est à dire que tout le travail qui n'a pas été fourni au fil du temps, au fil des années précédentes, doit être récupéré. En soi, c'est faisable. Mais naturellement, l'effort à fournir est important et consommateur en temps, et une personne qui n'a pas su fournir cet effort au fil des années part handicapée pour rattrapper en 15 mois quatre ans de paresse relative (les lacunes ne portent pas sur tout).

Mais comment en est-on arrivé là ? Pourquoi n'a-t-on pas réagi avant ?

Ma foi, j'ai commencé à réagir en CM1. Le résultat ? Du conflit. Deux heures de conflit pour faire rédiger correctement un exercice ne produisent pas, n'ont jamais produit un exercice rédigé correctement, mais seulement un conflit de deux heures. Ou de trois heures. Ou d'un dimanche entier. Avec une constance assez remarquable en soi, mon fils ne m'a jamais cédé. C'est dans le refus que sa constance et sa solidité se manifestent.

Ces dernières années, il s'est un peu assoupli, et a pris l'habitude de me céder relativement. J'entends par là qu'il fait des exercices, de maths, mettons, pour me les présenter ensuite, afin que je sois "contente". Il ne fait pas les exercices pour progresser, mais pour que je ne "le fasse pas chier". Or, il y a une énorme différence entre faire un exercice pour s'exercer et comprendre, et aligner des chiffres et des lettres avec cohérence pour remplir une feuille et pouvoir dire : "Bon, j'ai fait quatre exercices de maths, tu es contente ? Tu veux aussi quatre exercices de physiques?".

J'ajoute qu'il n'a plus le droit d'approcher internet et la Xbox.

A part ça il est gai, serviable, charmant et de bonne compagnie.

J'attends le déclic.

Depuis le CM1.



A titre de comparaison, le petit frère (encouragements aux premiers et deuxième trimestres) m'a dit tout à l'heure :

- Pour le prochain contrôle, je VEUX une bonne note. Ce n'est pas que pour les autres, je ne voulais pas de bonnes notes. C'est que là, je ne sais pas, je veux VRAIMENT une bonne note.

(il a presque toujours, depuis toujours, des "bonnes notes")

Là aussi, il s'agit d'un cas classique... mais inverse. Un élève intelligent, rêveur, intéressé, orgueilleux. Qui, tout d'un coup, prend une décision. Et, comme on dit dans le jargon pédagogique, devient acteur de son savoir. Tout d'un coup, en début d'adolescence, il décide d'être le meilleur, ou dans les meilleurs, ou d'avoir toujours plus de 13, ou de 15. Tout d'un coup, ça devient son challenge. Il n'y parvient pas toujours, mais l'effort qu'il fait est formateur.

Pourquoi l'un prend-il cette décision, et pourquoi l'autre ne la prend-il pas ?

On est devant deux personnalités différentes.

Pour autant, moi qui suis la mère des deux, je ne parviens pas à être véritablement inquiète pour l'aîné. Je suis parfois inquiète, ou plutôt, j'ai ce que j'appelle des "crises de conformisme". C'est à dire que je veux deux ado qui bossent et apprennent ses leçons, pourquoi j'ai pas ça, hein ? Pourquoi un sur deux ? Je songe au regard des autres (bien que je sois loin, ce qui me permet de garder une certaine sérénité).

Et puis je redeviens moi même, et je me dis : il va bien s'en sortir d'une façon ou d'une autre. En fait, je suis surtout coincée devant le regard des profs (en tant qu'ancienne prof, j'ai envie de leur dire : ne me prenez pas pour une mère aveugle ou démissionnaire) ou celui des personnes à petits esprits (mais qu'est-ce que tu vas en faire ?).

J'ai, bien sûr, une inquiétude de l'avenir. Et je me dis ensuite : mais non, il trouvera bien un truc, et puis c'est son problème.

Ensuite, je pense : ai-je tort d'être trop confiante ? Après tout, s'il y a un système, il faut bien s'y plier.

Et puis : il a eu de la constance dans son refus. Est-ce que ça peut être bon signe ?

Au final, j'ai pris des profs particuliers, essentiellement pour me donner bonne conscience. Je suis bien placée pour savoir qu'un prof particulier ne sert que si l'élève se donne le mal de l'écouter et d'appliquer ce qu'il dit. Disons que s'il veut s'y mettre, il peut.

mardi 27 mars 2012

Laisser dire. Laisser dire ?

Ce psot m'a été inspiré par cet autre, de Flannie.

"Quoiqu'on fasse, on a toujours tout faux". Il s'agit là de l'allaitement - et par conséquent, des permières années de l'enfant. Et, en effet, les regards que l'on s'attire sont rarement neutres. Ce sont des regards qui savent. Ils savent que vous avez tort ou raison, mais ils savent, et c'est cela qui est difficile à supporter.

Au fil des années, cependant, ils s'allègent de ce soit-disant savoir. Parce qu'au fil des années, les autres mères ou votre entourage se retrouvent obligatoirement confronté au doute et à la complexité des choses. Quand l'enfant est tout petit, on peut avoir l'illusion de contrôler les choses. Quand le temps passe, cette illusion décroit. Quand vient le temps de l'adolescence, pratiquement plus aucune mère ne peut raisonnablement prétendre comprendre quoi que ce soit, et les autres femmes de votre entourage partagent plus ou moins ce point de vue.

J'ai été entourée d'enfants qui se tenaient bien à table, qui finissaient leur assiette de courgette et qui travaillaient bien à l'école, mais aussi de bien d'autres enfants, en comparaison desquels les miens ne pouvaient jamais être ni parfaits, ni odieux. Les amateurs de courgettes ont cessé de l'aimer (ou bien, leur mère en a eu marre de manger des courgettes) et se sont avérés insolents. Les enfants qui se tenaient bien à table se tiennent toujours bien mais font la gueule. Les bons élèves s'enlisent dans des etudes secondaires douteuses. La toute petite fille qui ne mangeait pas et provoquait les angoisses non dites de sa mère est aujourd'hui aussi grande que sa soeur. Merci à elle, dont l'existence a empêché sa mère de m'interroger avec trop d'insistance sur le faible appétit de mes enfants.

Le temps passe. Des personnes persuadées, avec toute la sincérité de leur âme conventionnelle, que je ne réussirai jamais à "m'en sortir", gardent un silence dont je ne sais si je dois le trouver élogieux, insultant, rassurant, ou reposant. Les quatre à la fois, selon l'angle, sans doute.

Dans cette histoire de certitude, il y a tout de même une chose qui m'interesse. On a d'une part le savoir des anciennes ; donc des mères et belle mères ; et le désir de bien faire des impétrantes. Ce désir de bien faire prend toutes sortes de chemin. Pour l'une, il n'y aura point de salut en dehors du cododo ; l'autre sera obsédée par les soupes maison, à quoi une troisième ajoutera la nécessité impérieuse de la préparer exclusivement à l'aide de légumes bio (avec toutes les contraintes matérielles, et donc entre autres financières, que cela implique). L'allaitement et ses dépendances tient une place considérable. Tout cela se conjugue ou non avec l'éducation religieuse, impérative selon certains, ou pas du tout selon d'autres (catholique, musulmane ou juive). Mais peu importe les détails anecdotiques.

Ce qui me fait peur, c'est ce qui se cache derrière tout cela. Le premier problème est l'intégrisme de la doctrine, quelle qu'elle soit. Si véritablement vous faites dépendre le futur bonheur de votre enfant du cododo, de l'allaitement, de l'usage de flash card, ou autre, pour moi, il me semble que cela débouche directement sur un deuxième problème : vous faites dépendre le bonheur de votre enfant de vous.

Vous, la mère, ou vous, les parents, en utilisant LA méthode appropriée, vous allez obtenir un enfant justement équilibré, ni trop comme ci ni trop comme ça, ouvert d'esprit, etc, bref, l'enfant idéal.

Quand je dis vous, c'est une figure de style. Il s'agit aussi de moi. Je n'ai jamais été très intégriste d'aucune pratique ou d'une autre, mais j'ai longtemps plus ou moins pensé que je pouvais influer sur mon enfant. Que je le devais. Que mon rôle de mère était de faire tout pour eux.

Jusqu'à ce que je comprenne que c'était le contraire - ou quasi.

Au fond, voilà ce à quoi je voudrais réfléchir.

Mais en revenant au début de ce post, voilà où on en arrive. On se comporte comme ceci ou comme cela face à son enfant, parce que c'est une relation humaine unique comme n'importe quelle relation humaine et qu'aucun comportement prédéterminé n'existe (en dehors de règles très générales). Il est naturel de se comporter ainsi, il est naturel de réagir par rapport à son enfant en fonction des circonstances. Mais il est quasi inévitable de s'attirer des remarques, toutes sortes de remarques, et leur contraire. Parce que, bien sûr, tout le monde sait comment on élève un enfant. Et parce que, bien sûr, tout le monde sait que le rôle de la mère est fondamental. On est condamnée à jouer un rôle crucial, essentiel, pour notre enfant, par le regard des autres et par le poids qui pèse sur nous. Et on est condamnée à se fourvoyer et à s'attirer regards et critiques. Même si ça diminue avec le temps. Même si on essaie de se débarrasser du truc en partageant le fardeau avec le père - on partage, mais seulement si le père veut bien.

C'est absolument n'importe quoi. C'est lamentable. Et les enfants ne sortent pas grandis de cet état de fait.


Lacher prise

J'avais de grands projets, et j'allais apprendre des tas de trucs à mes enfants. Ah ah, on allait voir ce qu'on allait voir. On visiterait des sites archéologiques - on l'a fait. Je leur lirais des poèmes - fait. On visiterait des sites historiques (il n'y a pas que l'archéologie) - fait. Des musées - fait. On a lu des tonnes de livres, jusque très tard (12 ans pour mon ainé).

J'ai fait tout ce que j'ai pu, sauf du sport (je déteste). J'ai fait un peu d'éveil artistique (patouillage à vocation picturale, salissant mais assez sympa). J'ai des photos.

Dams l'ensemble, c'était amusant, sauf ces derniers temps, où c'est devenu pesant, franchement.
- On sort.
- On va où ?
- Tu vas voir qu'elle va ENCORE nous faire visiter un truc.
- C'est pour la culture.
- On en a, de la culture.
- Eh bien, vous en aurez plus.
- Mais on veut pas en avoir plus.
- Par contre, on veut bien un jeu de DS.
- Non, les jeux de DS, c'est pas la culture.
- Bien essayé (en aparté, le grand frère au petit frère).
- On peut pas rester à la maison ?
- On est obligé de venir ?
- Oui.
- Mais pourquoi ?
- La culture c'est chiant.

Je manque peut-être d'arguments rhétoriques. D'imagination. De persévérance. Mais là, j'ai abandonné. J'en ai eu marre. Il m'a semblé que j'avais fait mon possible, et qu'à partir d'un certain seuil, on avait le droit de jeter l'éponge. N'importe quel site patrimonial visité avec deux ados qui trainent les pieds devient pénible.

A dire vrai, le résultat n'est pas entièrement catastrophique. Ils ont un bon souvenir du musée de l'armée (absolument génial, surtout si votre enfant aime les armes - ce sont des choses qui arrivent). Les profs ont l'air content de la culture générale de l'ainé, qui sait que Napoléon succède à la Révolution. Le petit veut visiter Chambord. Ils lisent beaucoup.

Cela dit, je suis nulle en sport, et je leur ai transmis aussi ce désintérêt, ce qui est dommage. La musique classique, alors que j'adore, je n'ai pas réussi à l'écouter de façon naturelle, alors que j'écoutais tout le temps de la musique quand j'étais plus jeune. Pourquoi ai-je changé ? Je ne sais pas, ça n'est pas une décision. On ne peut pas initier à tout. On veut sans doute trop en faire...

Je suis curieuse de savoir ce qui restera. (Car j'ai la foi chevillée au corps : il en restera quelque chose).